Glotte-Trotters fait le point sur les changements majeurs pour l’enseignement des langues vivantes à la rentrée de septembre 2016 du primaire au secondaire et vous donne son avis.
Les langues dans les nouveaux programmes : objectif
Pour citer la circulaire officielle de l’Education Nationale concernant l’apprentissage des langues vivantes dans les nouveaux programmes de 2016 :
« Chaque élève doit être capable de communiquer dans au moins deux langues vivantes à la fin de l’enseignement secondaire. Pour atteindre cet objectif, l’enseignement des langues a profondément changé et s’inscrit dans une perspective européenne commune forte. Les élèves sont sensibilisés à une langue étrangère dès le CP et la pratique de l’oral est prioritaire à tous les niveaux de l’école au lycée. »
Il est vrai que maîtriser plusieurs langues étrangères est une volonté européenne forte qui se traduit par la création du cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL). Mais en France, la diminution du nombre d’heures de cours programmée par la mise en place des nouveaux programmes de 2016, suivie de l’augmentation du nombre d’élèves par classe, sont de véritables freins à l’expression orale fréquente des élèves. L’Education Nationale a vraiment encore des efforts à faire pour pouvoir atteindre cet objectif.
Les nouveaux programmes du primaire
qu’est-ce qui change à la rentrée?
Dans les derniers textes officiels de l’Education Nationale, il est dit que:
» La première langue vivante dès le cours préparatoire, c’est 54 heures de plus de langue vivante 1 au cours de la scolarité obligatoire. »
Mais la réalité du terrain c’est plutôt un enseignement des langues en primaire très inégal en fonction des compétences des professeurs des écoles, qui n’ont pas tous été formés pour enseigner une langue vivante. D’ailleurs, la sensibilisation à une langue vivante dès le CP est obligatoire depuis 2013 (BO du 5 janvier 2012, page 5). Les études scientifiques montrent que le meilleur moment pour apprendre les langues vivantes est avant l’âge de 7 ans, c’est donc dès la maternelle qu’il faudrait que l’Education Nationale propose un enseignement de langues vivantes et non une simple sensibilisation occasionnelle et non cadrée.
Selon Jean-Luc Breton, vice président de l’APLV, l’association des professeurs de langues vivantes :
« Le ministère fait comme si le niveau des élèves en 6ème était suffisant et égal d’un élève à l’autre. En fait l’enseignement des langues au primaire aboutit à des niveaux très inégaux. Donc l’ambition d’amener les collégiens au niveau B1 pour 2 compétences sur 5 en 3ème est une gageure. Le ministère nous dit qu’avec une année de langues en plus on doit pouvoir passer du niveau A2 à B1. Rien n’est moins sur. »
La classe de 6ème fait désormais partie du même cycle que les élèves de CM1 et CM2. Il va falloir qu’enseignants du primaire et du secondaire accordent leurs violons pour réduire les inégalités d’aujourd’hui.
Les langues dans les nouveaux programmes du collège
la LV1
En 5e, 4e et 3e, les horaires de LV1 sont inchangés mais cette LV1 pourra être la langue vivante apprise en primaire, ou bien une langue vivante que les élèves choisiront de débuter en 6ème, ce qui va amener de grosses difficultés d’organisation aux enseignants de collège:
- En 6ème, les établissements devraient organiser un enseignement des langues qui permette aux débutants de commencer dans de bonnes conditions et aux plus avancés de poursuivre l’apprentissage commencé au primaire.
- Cette organisation pourrait nécessiter de créer plus de groupes de langue qu’il n’y a de classes sur le niveau (par exemple, dans un collège comptant 4 classes de 6èmes, créer 5 groupes d’Anglais dont 4 groupes en continuation du primaire et un groupe n’ayant pas étudié l’Anglais au primaire) : le collège devrait alors puiser dans sa marge d’autonomie.
- Il est probable que les élèves qui changeraient de langue entre le CM2 et la 6ème choisiraient comme LV2 en 5ème la langue étudiée en primaire : ils seraient de faux-débutants, qui pourraient aussi nécessiter la création de groupes (éventuellement financés) au cycle 4.
- Ou bien, si l’établissement n’avait pas les moyens de créer ces groupes, il devrait regrouper des vrais débutants (langue nouvelle), des faux débutants (langue étudiée en primaire mais arrêtée en 6e) et des avancés (anciens bilangues de 6e).
- Il faudrait aussi tenir compte, dans la formation des groupes, des horaires attribués à chacun pour une même langue : au cycle 4, les élèves ayant commencé l’Anglais en primaire suivraient 3h d’Anglais par semaine, tandis que les bilangues suivraient 2h30 d’Anglais par semaine : ces élèves ne pourraient que difficilement faire partie des mêmes groupes.
Bref, beaucoup d’ajustements plus ou moins pertinents à prévoir!
la LV2 et les classes bilangues
Le nouveau programme de l’Education Nationale prévoit que:
-
« L’apprentissage par tous les élèves d’une deuxième langue vivante dès la classe de cinquième se fera à raison de deux heures et demi hebdomadaires de la cinquième à la troisième, soit 54 heures de plus de langue vivante 2 au cours de leur scolarité au collège par rapport à la situation actuelle. Les élèves qui auront appris en primaire une autre langue vivante que l’anglais pourront par ailleurs commencer l’anglais dès la classe de sixième dans le cadre de dispositifs bilangues. »
En clair, cela signifie que la réforme du collège prévoit que les classes bilangues ne pourront être maintenues UNIQUEMENT pour les élèves qui auront étudié une langue AUTRE QUE L’ANGLAIS en primaire (soit 7% des élèves, puisque 93% apprennent l’anglais en primaire). Le nombre de classes bilangues va donc diminuer mécaniquement (rappelons qu’aujourd’hui, les élèves peuvent entrer en classe bilangue même quand ils ont appris l’anglais en primaire). En conséquence, de nombreux élèves qui pourraient aujourd’hui choisir la bilangue ne le pourront plus à partir de 2016, simplement car leur établissement aura dû fermer sa section bilangue. Si la bilangue ne peut pas être proposée à tous les élèves entrant en 6e, il est fort possible que le nombre d’inscrits diminue, et s’il n’est pas suffisant, la section bilangue peut être fermée.Il n’est donc pas prévu de reconnaître les cours supplémentaires de langues que les élèves bilangues auront suivis !
Les élèves vont suivre de la 5ème à la 3ème 7h30 d’ enseignement de LV2 par semaine (2h30 en 5ème, 2h30 en 4ème, 2h30 en 3ème), contre 6h aujourd’hui (3h en 4ème, 3h en 3ème). Pourtant, les programmes n’élèvent pas significativement le niveau à atteindre en fin de 3ème pour cette LV2 : il s’agira toujours du niveau A2 (que les élèves devront atteindre dans 2 des 5 activités langagières). L’introduction de la LV2 en 5e ne s’accompagnera donc pas d’une exigence d’amélioration du niveau en LV2 à la fin du collège, malgré les moyens importants qui y seront consacrés (54h d’enseignement de LV2 en plus sur les 3 années concernées).
Les langues la rentrée au lycée
Du côté du lycée, l‘enseignement de deux langues vivantes obligatoires est en cours de généralisation dans toutes les séries générales et technologiques.
Trois langues vivantes peuvent être étudiées, de la classe de seconde au cycle terminal des séries générales, ainsi que dans les séries technologiques STG et hôtellerie.
La nouvelle série littéraire propose désormais un enseignement obligatoire de littérature étrangère en langue étrangère et un enseignement de spécialité de langue vivante 1 ou 2 approfondie.
Les constats de Glotte-Trotters
Les élèves qui ont appris deux langues étrangères dès le début du collège sont plus nombreux que la moyenne à se lancer dans l’apprentissage d’une troisième langue vivante au lycée : le fait d’apprendre deux langues étrangères à un jeune âge motive les jeunes à apprendre plus de langues encore lorsqu’ils grandissent, et rend plus facile cet apprentissage (par exemple dans l’Académie de Strasbourg, qui a fortement développé l’enseignement des langues : 16,2% des élèves qui ont étudié deux langues vivantes en 6e choisissent une 3e langue vivante en Seconde ; alors que la moyenne nationale est de 6,9%).
En 2015, lors du TOEFL (Test of English as a Foreign Language), les candidats français (en fin de lycée) arrivent tout juste au niveau attendu. La France se classe au 69e rang du classement mondial (109 pays).
La « stratégie langues vivantes » de l’Education Nationale semble loin d’être au point. Pourtant, l’ONISEP souligne l’importance de se former en langues vivantes. En effet, il y a le besoin d’une grande diversité linguistique dans les entreprises puisque 21 langues vivantes étrangères sont citées par les entreprises et 22 langues vivantes étrangères sont mentionnées par les employeurs dans les offres d’emploi de l’APEC et de Pôle emploi. En outre, à chaque niveau de l’entreprise, le personnel peut être amené à pratiquer une ou plusieurs langues vivantes étrangères, essentiellement les cadres et les dirigeants, mais aussi les employés, les techniciens, les ouvriers …
Ecoliers comme salariés, les langues sont à inscrire dans votre programme !